L’agriculture syntropique repose sur une diversité importante de plantes, cultivées à haute densité, dans leurs conditions optimales de lumière et de fertilité. Elle est notamment basée sur une organisation du système dans le temps (la succession), et dans l’espace (la stratification). On parle aussi d’agroforesterie successionnelle.
L’agriculture syntropique s’inspire de la dynamique, de la structure et du fonctionnement des écosystèmes naturels (la forêt) pour concevoir des systèmes agricoles productifs qui allient régénération des paysages, diversification des récoltes et réduction des risques écologiques et économiques. Ses principes ont été développés par Ernst Götsch, agriculteur pionnier de l’état de Bahia, au Brésil.
L’agriculture syntropique permet la restauration de terres fortement dégradées et peu productives, en recréant un environnement arboré productif, économiquement viable, riche en biodiversité, et sans apports exogènes (fertilisants, intrants chimiques, etc.). C’est ce qu’a expérimenté E. Götsch sur son exploitation depuis les années 80. Ce type d’agriculture, originaire des zones tropicales, commence à émerger en zone tempérée, notamment en France où il tend à se développer depuis quelques années.
LA STRATIFICATION
En forêt, les plantes occupent l’espace de façon à capter un maximum de lumière. Elles sont organisées en strates de végétation :
- La strate basse (herbacée)
- La strate moyenne (arbustive et buissonnante)
- La strate haute (canopée)
- La strate émergente
En agriculture syntropique, les associations de plantes sont cultivées de façon à maximiser l’occupation de l’espace vertical (haute densité), mais aussi de l’espace horizontal (les strates), comme ce que l’on retrouve en forêt.
LA SUCCESSION DES ESPÈCES
En forêt, chaque plante a son propre cycle de vie : certaines ont une vitesse de croissance rapide, quand d’autres passent par un processus de croissance, de reproduction et de déclin plus lent, parfois sur de nombreuses années ou décennies.
Les écosystèmes évoluent ainsi selon un processus naturel de succession écologique en trois phases :
- La phase placenta : développement des plantes pionnières à croissance rapide qui créent les conditions d’un milieu favorable à l’installation d’autres espèces au cycle plus lent qui vont leur succéder ;
- La phase secondaire : développement de plantes à croissance plus lente, une fois que le milieu leur est plus favorable ;
- La phase climax : installation des plantes à croissance lente dans l’écosystème arrivé à maturité.
En agriculture syntropique, les associations culturales sont organisées sur ce principe de succession et combinent des espèces aux cycles complémentaires : plantes annuelles, bisannuelles et vivaces (pérennes). D’où parfois le nom d’agroforesterie successionnelle. Au fur et à mesure de sa maturation, le système agricole ainsi mis en place gagne en diversité et en productivité, avec une augmentation progressive de la fertilité des sols.
La pratique de l’agriculture syntropique requiert ainsi des connaissances solides sur les processus biologiques et les mécanismes du vivant, ainsi que sur les besoins en lumière de chaque plante, de façon à choisir les essences adaptées pour chacune des phases (placenta – secondaire – climax) et chacune des strates (basse – moyenne – haute – émergente).
TAILLE DES ESPÈCES VÉGÉTALES
Sur ces deux principes d’organisation temporelle et spatiale du système agricole, la taille joue un rôle important. En pratique, la gestion des systèmes syntropiques demande un élagage des strates supérieures. Ces perturbations volontaires du milieu sont essentielles pour accélérer le développement des végétaux des strates inférieures, entretenir le système dans une dynamique de croissance et favoriser une repousse vigoureuse des arbres. Les produits de l’élagage sont utilisés comme paillis pour enrichir le sol en matière organique et conserver l’humidité du sol.
De plus, les espèces en fin de cycle sont coupées pour accélérer la succession végétale, et sont laissées sur place pour ne pas appauvrir le sol.
GESTION PLANIFIÉE DU SYSTÈME AGRICOLE
Inspirée de l’organisation des écosystèmes forestiers, l’agriculture syntropique permet la restauration des sols et de la végétation sur des terres dégradées et appauvries. Elle favorise par la même occasion une meilleure résilience du milieu et des plantes cultivées faces aux aléas climatiques (sécheresses et vagues de chaleur par exemple).
Pour autant, elle conserve sa fonction principale de production, par la récolte de produits alimentaires comestibles et commercialisables (fruits, graines, tubercules…), et de produits non-alimentaires (production de biomasse et de paillis issu de l’élagage notamment).
Dans la pratique, il est possible d’optimiser cette fonction productive grâce à une gestion planifiée de l’agrosystème. Par exemple :
- Organisation des cultures en bandes pour faciliter les récoltes et l’entretien ;
- Choix de deux ou trois espèces majoritaires pour optimiser la production et faciliter la commercialisation des produits ;
- Choix d’espèces pour la production d’azote et de matière organique (fertilisation des sols) ;
- etc.
Encore peu connue en France, l’agriculture syntropique est une approche novatrice qui a vu le jour il y a une quarantaine d’années : elle se base sur le fonctionnement des écosystèmes naturels, en répondant aux objectifs de production des agriculteurs. En pratique, elle mise sur une organisation synergique d’une diversité des cultures, pour viser des récoltes abondantes.
Une méthode émergente en France
A l’origine de l’agriculture syntropique ? Ernst Götsch, un agriculteur et chercheur suisse. En 1984, il part au Brésil, dans l’État aride de Bahia, pour reprendre une exploitation de 500 hectares, dont les sols sont altérés et improductifs. Pour remettre en production ces terres, le suisse teste pendant 30 ans des techniques s’inspirant des principes de fonctionnements de la nature, et notamment des forêts. Suite aux résultats probants obtenus, cette méthode s’est répandue au Brésil puis dans de nombreux pays.
En France, l’agriculture syntropique émerge depuis quelques années. En exemple, la ferme des Mawagits, dans le Gers, créée en 2018 dans le but d’en faire un lieu pédagogique dédié aux pratiques agroécologiques. L’un des associés, ingénieur agronome, a étudié pendant deux ans au Brésil où il a découvert l’agriculture syntropique : 1000 m² y sont aujourd’hui dédiés sur une parcelle dégradée, pour poursuivre sa formation et adapter la méthode au contexte pédoclimatique, avec le projet de la transférer à terme sur l’ensemble de l’exploitation. Aucun fertilisants, ni d’intrants chimiques ou d’irrigation ne sont utilisés sur la ferme où a été implantée une grande diversité d’espèces. Tout est conçu pour limiter les apports exogènes et créer des synergies entre les plantes.
Les principes de l’agriculture syntropique
Selon le dictionnaire, la syntropie est définie comme l’action convergente de plusieurs facteurs. Dans le cas de l’agriculture syntropique, il s’agit de créer un système de cultures dense et complexe, pour aboutir à un équilibre entre les plantes et obtenir une production en abondance.
Cette méthode se base sur le processus naturel de la régénération des écosystèmes dans le but d’y introduire des espèces comestibles et commercialisables. Le principe : remettre les plantes dans les conditions de lumière et de fertilité qu’elles auraient dans leur milieu naturel.
Outre l’existence de débouchés viables, le choix des espèces prend en compte deux facteurs : la vitesse de croissance et l’occupation de l’espace. Il s’agit d’implanter des associations de cultures avec des cycles complémentaires – plantes annuelles, bisannuelles et vivaces – qui vont se développer à des rythmes asynchrones, selon le principe de succession rencontré dans la nature (d’où l’autre appellation pour désigner l’agriculture syntropique, l’agroforesterie successionnelle). Tout le système est organisé par strates (basse : herbacées ; moyenne : arbustes et buissons ; haute : canopée et émergente), afin d’optimiser l’utilisation des surfaces, aussi bien horizontalement que verticalement.
L’agriculteur intervient régulièrement pour perturber le système, notamment par la taille des strates supérieures ou la coupe des espèces en fin de cycle, l’objectif étant de soutenir la dynamique de croissance, d’accélérer la succession végétale et de récolter les productions pour la vente.
Des avantages mais aussi des limites ?
L’agriculture syntropique a de nombreux atouts : enrichir le sol en matière organique, améliorer sa fertilité, augmenter la biodiversité, l’humidité etc. Outre la restauration de l’environnement et des écosystèmes, elle permet d’assurer des revenus pour l’agriculteur tout en étant socialement valorisante auprès de la société (pas d’apports extérieurs, qualité des produits….).
Cette méthode demande toutefois une connaissance fine des espèces implantées – biologie, dynamique de croissance, besoins en lumière -, des interactions entre elles et des processus biologiques en jeu. Ces informations doivent ensuite être croisées avec les caractéristiques des parcelles, le type de sol et le climat. Une période de test peut donc être nécessaire, avant la mise en œuvre effective sur l’exploitation. Dans tous les cas, il s’agit de prendre le temps de réfléchir à un tel projet et de prévoir une gestion minutieuse du système.